Avril 1992 : Pêcher dans l’Arctique avec les Inuit

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En 1991-1993, je travaillais dans l’Arctique canadien. J’ai demeuré plus d’un an à Urshuktuk (Gjoa Haven, Nunavut). L’un de mes plus beaux souvenirs fut une journée de pêche avec deux familles de mon village. Un mystère entoure encore la réussite d’une vieille inuk. C’est seulement à mon départ qu’elle m’a enfin révélé son secret.

Presque partout où je suis allé, je m’organise pour pêcher un peu. L’année que j’ai passée à Gjoa Haven, sur l’Ile King William (oui, oui ! au-delà du cercle polaire dans le Nunavut, Canada), m’a permis de vivre plusieurs belles aventures de pêche. Au quotidien, en fait, c’était très simple : je descendais la colline où était ma résidence, et sur le quai du village, je lançais la ligne. J’ai remonté de l’omble de l’Arctique et de la morue, presque à tous les jours. Je garde un autre post pour raconter ma sortie à la grande rivière (sur le continent).

J’étais très ami avec deux familles : les Agglukak (Miriam et Charlie) et les Akikugnak (Peter et sa femme Simona, je crois). Un jour de printemps, en avril ou mai, nous sommes partis en mononeige pour aller à leur camp. C’était à 20 km du village. Ma première rencontre avec la pêche sur la glace, dans l’Arctique : les tarières à gaz. Des “bétails”, mon ami, avec deux ou trois mèches (parfois des rallonges). La mèche avec sa rallonge creusait à 12 pieds (3m50) et elle n’avait pas encore trouvé l’eau !!!! (P.S. Les photos de cet article ne sont pas de moi. Voir note *** ci-bas). Et quand l’eau montait la cheminée… tassez-vous de là, les amis !!! Ayoye ! Un geyser d’eau glaciale.
drilling.jpg   Dans l’Arctique, on ne fait pas 100 trous. À la tarière à essence, ça prend parfois une demi-heure à creuser un seul trou, mais il est bon pour longtemps, car il sera désormais bien entretenu par les pêcheurs d’une même famille… surtout si on y trouve du poisson. J’avais la responsabilité de deux trous. Avec une simple brimbale (un peu plus costaude que les nôtres, dans le Sud), j’ai commencé à pêcher à la manière inuk : le premier poisson qu’on attrape, il est coupé en morceaux et utilisé comme appât. La température était absolument magnifique : nous avions nos bottes, nos salopettes de ski-doo, mais plus besoin de nos manteaux! Un t-shirt et un gilet de laine, c’est tout ce qu’on avait sur le dos; on ajoutait des lunettes polarisantes et un bon chapeau. Quelle superbe activité familiale! Il y avait déjà 15-16 heures de clarté, de longues journées de pêche. J’y suis allé 2 fois en expédition d’une journée, et 1 fois pour deux jours. J’ai pêché dans les mêmes trous, toujours avec le même équipement.
Au cours d’une journée, la pêche était moyenne. Notre famille, nous avions attrapé 15 poissons, et moi, 5. J’étais l’individu qui en avait pris le plus. De belles truites grises (une était immense!) et des Arctic Char (ombles chevalier, je crois). Ce n’était pas beaucoup. Dans l’autre famille, guère mieux sauf… une vieille inuk. À elle seule, elle sortait sa dixième prise du jour. Et pas les plus petites. Et tout le monde se demandait comment elle réussissait, mais elle nous regardait avec un grand sourire et haussait les épaules.

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Au mois de septembre suivant, je dois quitter le village pour retourner “dans le Sud” (Montréal, QC, en fait). Je la rencontre une dernière fois. “Dis-moi, l’aînée”, fallait l’appeler ainsi, “c’était quoi ton truc, au printemps?”. Elle ne lâchait pas : “Y a rien!”, toujours avec son sourire mystérieux. Pis là, je lui ai dit la formule magique : “Je m’en vais du village. Tu ne me reverras jamais plus. Je garderai le secret”. Elle se penche alors vers moi et me dit: “Il faut que ça pue. Des fois, c’est du bacon, d’autres fois, du foie de morse, parfois, juste de l’ail. Plus ça pue, plus ça mord.”. La vieille snoraude avait pêché ce jour-là avec des restants de pizza McCain d’un party de la veille !

Tu parles d’un truc d’Inuit ! Welcome in Nunavut !

Joël-Gh.

 


 

*** NOTE IMPORTANTE : Les photos de cet article ne sont pas les miennes. Je ne prenais pas de photos, à l’époque, et de toute manière, au début des années ’90, c’était compliqué d’en prendre à ces températures. Par contre, je les ai choisies soigneusement parce qu’elles illustrent parfaitement ce dont je me rappelle. Pour les apprécier davantage, visitez le site dont elles sont issues. Merci.

Crédits photo :
1ère :
http://www.fredmiranda.com/forum/topic/1235127

2ème : idlcoyote.com

3ème : http://www.arcticphoto.co.uk/Pix/BA/88/BA.0809-48_P.JPG

 


 

 

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